La crise actuelle de la Justice

05/05/2025

 

Suivant l’Accord de Gouvernement « les régimes dérogatoires et les systèmes avantageux seront progressivement supprimés afin d’aboutir à un système de pension plus transparent et plus équitable ». Un projet de réduction des pensions des magistrats est actuellement en cours.

La magistrature (juges et procureurs), tout comme le pouvoir exécutif (le Gouvernement) et le pouvoir législatif (le Parlement), constitue un pouvoir constitutionnel de l’Etat. Elle est prête à participer à l’effort d’assainissement des finances publiques par une réforme du système des pensions qui doit concerner les membres des trois pouvoirs.

Suivant l’organe légal représentatif de l’ensemble des magistrats qu’est le Conseil Consultatif de la Magistrature (CCM) « aucune simulation combinant l’impact des mesures budgétaires (…) et celui du projet global de réforme des pensions n’a été soumise » sur les pensions des magistrats par le Ministre des pensions, alors que le CCM quantifie actuellement à 30% minimum la perte que subiront à terme les pensions des magistrats.

La Justice belge est chroniquement sous-financée. Le budget de l’ordre judiciaire s’élève à 1,4 milliards d’euros, soit seulement 0,44 % de toutes les dépenses de l'État (communiqué du Conseil Supérieur de la Justice, 29/04/2025). Cela veut dire qu’on demande depuis des années aux magistrats et au personnel judiciaire de faire plus avec moins de moyens. A présent, leurs pensions de retraite sont réduites sans transparence de calcul ni de limites proportionnées. L’incertitude, la démotivation et le sentiment d’injure subie sont à leur comble auprès d’un très grand nombre de membres de l’ordre judiciaire.

La question de la pension de retraite des magistrats n’est pas la question de la préservation de leurs prétendus avantages : c’est une question de défense de l’Etat de droit par la qualité de la justice. Dans les conditions actuelles et décrites, il sera impossible d’attraire à la magistrature des professionnels de droit expérimentés (avocats ; juristes d’entreprise ; professeurs de droit) si le dernier facteur d’attractivité du métier de magistrat par rapport au secteur privé disparaît par la réduction de la pension.

Tout en maintenant l’ensemble des services au justiciable, le Tribunal de l’entreprise du Hainaut ne peut rester insensible à la crise et agira, tant qu’elle perdure et à défaut d’une solution équilibrée et respectueuse du pouvoir judiciaire, actuellement suivant deux axes.

Les juges de carrière qui le souhaitent interviendront aux audiences par diverses mesures ou actes de communication afin de sensibiliser les comparants à la défense de l’Etat de droit par la nécessité des recrutements judiciaires de qualité.

Les procureurs ont invité les membres de leurs offices à ne plus rendre d’avis (oral ou écrit) et à solliciter la remise des causes dans lesquelles intervient le Ministère public. Le Tribunal est très sensible à cette démarche et par conséquent affirme la liberté des juges de statuer, suivant la nécessité de chaque cause, en prenant en considération ces éléments nouveaux.