A partir du 1er septembre prochain, 1.000 dossiers d’administration ouverts auprès des justices de paix d’Anderlecht 1 et 2 ne pourront plus être traités, en raison de l’absence de juges de paix titulaires, et de l’entrée en vigueur d’une nouvelle disposition législative.
Actuellement les deux cantons d’Anderlecht fonctionnent grâce à des juges de paix suppléants. Il s’agit d’avocats qui assument la fonction de juge de paix en plus de leur métier d’avocat, et qui sont également administrateurs de biens. Une modification législative récente, qui entrera en vigueur le 1er septembre prochain, leur interdit d’intervenir comme juges suppléants dans les dossiers d’administration. Les deux fonctions deviennent incompatibles.
Il s’agit de dossiers délicats dans lesquels des personnes vulnérables sont placées sous protection judiciaire. Un administrateur gère alors, sous le contrôle du juge de paix, les intérêts personnels et/ou patrimoniaux de la personne qui n’est plus en état d’assumer cette gestion personnellement, en raison de son état de santé.
Problème structurel
Cette pénurie de juges titulaires ne constitue pas une crise temporaire mais est la conséquence d’une forme d’abandon persistant de la justice de proximité à Bruxelles.
Dans une lettre ouverte au Ministre de la Justice, remontant au 16 janvier 2024, les Présidents des Tribunaux de Première Instance de Bruxelles avaient (une fois de plus) tiré la sonnette d’alarme.
Ils prévenaient alors que certaines justices de paix, dont le canton de Bruxelles 3 (Laeken), risquaient de devoir fermer leurs portes à défaut d’initiatives légales concernant les conditions de nomination à Bruxelles et l’absence de structure de gestion pour les justices de paix et tribunaux de police de l’arrondissement de Bruxelles.
La situation n’a malheureusement pas évolué :
- Il n’y a toujours pas de présidence spécifique, de greffier en chef d’arrondissement et de comité de direction pour les justices de paix et tribunaux de police de Bruxelles – depuis dix ans.
- Cette absence de structure rend impossible une gestion cohérente du personnel et de l’organisation du travail.
- Dans la Région de Bruxelles-Capitale, 5 justices de paix sur 19 doivent faire appel de manière structurelle à des juges suppléants. Dans deux de ces cantons, un arriéré important s’est accumulé, ce qui n’est pas étonnant dans la mesure où les juges suppléants doivent combiner cette tâche avec leur métier d’avocat qui les occupe normalement à temps plein.
- Cette situation est dénoncée aux instances compétentes et aux décideurs politiques depuis 2019.
Une situation critique
L’édifice se fissure de toutes parts, chaque jour un peu plus. Sans l’investissement inlassable des juges de paix titulaires, des juges suppléants et du personnel des greffes, plusieurs cantons auraient déjà dû cesser leurs activités.
Les besoins sont immenses. La situation à Anderlecht est sans doute la plus urgente, mais elle est symptomatique d’un malaise plus profond.
Ceci ne constitue pas une forme de protestation contre le sous-financement de l’institution judiciaire, mais le reflet d’une réalité résultant de l’abandon des justices de proximité à Bruxelles.
Faute de solution rapide, nous risquons d’atteindre une ligne de fracture: la protection judicaire des personnes les plus vulnérables est en péril. Serons-nous enfin entendus, cette fois, par les décideurs politiques ?